[2002] F53 ... F114
62 problèmes féeriques, de tous genres et de tous énoncés, ont pris part à ce tournoi qui fut agréable à arbitrer. Classer des problèmes aux stipulations (directs, inverses, aidés et autres) et aux conditions féeriques (circés, Köko, fantômes, etc.) si différents s'est avéré difficile. Le palmarès respecte dans une mesure raisonnable la pluralité des genres et des stipulations rencontrés. Certains problèmes que j'ai écartés auraient pu trouver grâce aux yeux d'un autre juge et l'ordre dans lesquels ils sont primés suscitera sans doute des commentaires. Je me suis efforcé d'être aussi objectif que possible tout en faisant appel à mes goûts personnels et de récompenser les œuvres dont l'originalité et les aspects techniques et artistiques s'équilibraient le mieux. Quelques remerciements : tout d'abord à Christian Poisson qui m'a demandé de juger cette section malgré mon inexpérience dans le domaine du jugement ; ensuite aux compositeurs, pour la variété et l'inventivité dont font preuve leurs œuvres ; enfin à Juraj Lörinc et Ion Murarasu, pour l'aide qu'ils m'ont apportée afin d'éclaircir un aspect d'un problème ou bien pour m'avoir signalé l'existence d'une anticipation. Je commencerai par une remarque d'ordre général : beaucoup de problèmes présentaient des mats écho avec les conditions Köko ou Echecs Alphabétiques et des pièces plus ou moins bizarres. La portée esthétique des mats échos est toutefois réduite si l'on considère qu'avec ces conditions et le matériel donné, il n'y a guère qu'une position de mat possible. Il ne reste plus alors qu'à apprécier le jeu des pièces dans le cours des solutions, mais celui-ci laissait souvent à désirer. Ainsi dans F87, les deux jeux apparents commencent par les mêmes 6 premiers demi-coups : l'auteur aurait mieux fait de ne pas les mentionner. Dans F78,85,86 le premier coup blanc est répété. Dans F79 les deux premières solutions sont symétriques à partir du 3ème coup. A propos de F81,82,84 : le Vizir n'est pas la pièce la plus exaltante qui soit en Köko, on a l'impression de regarder des limaces qui s'agglutinent; la remarque est valable aussi pour les Maos du 76. Enfin F77 aurait reçu une récompense s'il avait présenté 4 solutions. Quelques remarques d'ordre plus particulier : Commençons par les recommandés, pour faire monter le suspense : |
Le Cavalier blanc exécute sept fois le Rundlauf Ce3-g4-e3-f6-d5-e3 dans un mécanisme assez original : à chaque coup, le Cavalier découvre une des quatre lignes blanches sur le Roi noir tout en préparant la prochaine batterie. La condition Circé permet aux pions noirs de renaître et d'alimenter ainsi en combustible ce véritable robot ménager qui passe à la moulinette les pièces noires interposées en d5. L'idée est certes jolie et ambitieuse, mais la réalisation répétitive et peu économique (toutes les pièces noires capturées en d5 ne servent pas au mat ; le FBg8 ne sert qu'à occuper la case de renaissance du CN).
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Un problème agréable dans le droit fil du "deux-coups" classique britannique. La position exposée du Leo blanc suggère d'emblée qu'il est la pièce-clé des Blancs et les essais et le jeu réel n'infirment pas cette idée. Le jeu homogène, la clarté des essais et la joliesse des mats dans les coins contribuent à la bonne impression d'ensemble.
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Un inverse maximal de pat est un spectacle assez rare, tout comme un inverse maximal long de 7 coups avec 2 solutions. Ce problème joint les deux raretés en miniature. De plus, il offre deux beaux pats modèles. Hélas il souffre d'un handicap sérieux : le 4ème coup 4.Td5-d6 Dh2×a2 se répète exactement dans les deux solutions.
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L'essai et la clé conduisent à des jeux qui se ressemblent comme des jumeaux : sur chaque diagonale de paralysie Madrasi a8-e4 et c4-g8, le Cavalier noir d8 dispose de deux cases, dont l'une sur laquelle il sera paralysé par le Cavalier blanc et ne pourra plus ouvrir la diagonale de paralysie, et l'autre sur laquelle il ne paralysera pas le Cavalier blanc et permettra à celui-ci de protéger la pièce blanche matante. L'échange des suites est pittoresque, mais le jeu est quelque peu symétrique.
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Le premier coup noir est subtil : il s'agit d'une interception préventive d'une pièce noire (qui sera capturée au 2ème coup blanc) par l'autre pièce noire. Bien sûr, en écho diagonal-orthogonal noir, et les mats sont modèles. Les auto-déclouages et les mouvements Pelle qui résultent du deuxième coup noir sont inhérents à la condition Circé-échange et en cela ils ne convainquent pas tellement.
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Trois mats écho en échecs Köko étaient monnaie courante parmi les inédits de 2002. Ici on remarque le jeu plus dégagé et varié, les manœuvres de type Onitiu que font les Sauterelles et la Tour Royale et les switchbacks de la Tour Royale dans la 3ème variante.
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Quelques explications sont nécessaires à la compréhension de la solution, brève et apparemment simple, mais à la stratégie complexe.
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Ce problème, de type "monstrueux", comporte un jeu apparent de 30 coups et un jeu réel de 46 coups ! De façon frappante, les deux mats finaux sont symétriques par rapport à la grande diagonale a1-h8. La solution complète mérite d'être rejouée sur l'échiquier.
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Le premier AUW neutre de la sélection est assez original puisqu'un thème typique des rétros, le Ceriani-Frolkin (capture d'une pièce promue), y est réalisé deux fois. Le mat final, ultra-économique, confirme l'impression d'assister à un tour de prestidigitation au cours duquel un lapin et une colombe sont sortis du chapeau du magicien puis ont disparu d'un coup de baguette magique. Toutefois ce mat était connu en ss‡ Circé depuis Venelin ALAIKOV & Krasimir GANDEV, Probleemblad 1977, 1° Prix : Blancs : Rd1, Noirs : Rb8, Neutres : Pe7h7d6h2 (1+1+4) ss‡8 Circé, 1.é8=Fn 2.h8=Dn 3.Dn×h2(h7) 4.h8=Cn 5.Cnf7 6.Cn×d6(d7) 7.d×é8=Tn(Fnç8) 8.Cn×é8(Tna8)+ R×a8(Tnh1)‡.Aussi nous semble-t-il voir une variation intéressante sur un thème connu, avec l'avantage que les pièces superflues au mat sont éliminées au cours de la solution.
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La grande originalité de ce problème est de présenter les deux solutions sous forme d'un "perpetuum mobile" très élégant. Le thème Zilahi est réalisé, même si la pièce capturée réapparaît au dernier coup, en sortant comme un diable de sa boîte pour contribuer au mat. L'AUW neutre et les mats modèles, avec seulement 6 pièces, renforcent l'impression artistique qui est toutefois gâchée - on ne peut le passer sous silence - par la répétition du troisième coup noir 3.Rd8.
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Une parfaite correspondance diagonale-orthogonale, avec switchbacks de la DN, interférences et déparalysies, qui se termine par des mats spécifiques. Chaque coup d'une variante trouve son écho exact dans l'autre solution. Qui plus est, les mats sont modèles, la position superbe est aristocratique et économique (seul le FNa7 joue le rôle d'"anti-démolisseur"), alors pourquoi ne pas lui avoir accordé un prix ? En raison d'un autre problème du même auteur, à la stratégie semblable et un peu plus complexe (Narayan SHANKAR RAM, feenschach 1983-84, 4° Prix, Blancs : Rh3 Tc4 Fd6 Pe2g2h2, Noirs : Rf4 Dd5 Ta3c1 Fc8f8 Cf5e3 Pg5h5h4, h‡3 (6+11) C+ 2.1.1... Madrasi : 1.Dé5 g4 2.Cé7 F×a3 3.C3f5 F×ç1‡ & 1.Dé4 g3 2.Cç2 T×ç8 3.Cfé3 T×f8‡) qui anticipait légèrement l'idée : les CN et la DN y jouaient le rôle de bloqueurs et le pion blanc g2 s'autoclouait sur 2 lignes différentes tout en se paralysant.
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L'énoncé est troublant : comment ça, ajouter une pièce ?! La suite ne l'est pas moins. Les Noirs vont remplacer une de leurs pièces, qui bloque une case de leur champ royal, par celle qui vient d'atterrir sur l'échiquier et qui permettra le mat. Ainsi la Tour remplacera le Fou et le Cavalier, la Dame. Machiavéliquement, ces pièces ajoutées seront les pièces-avant de batteries noires qui se formeront et joueront au cours des solutions. A la haute originalité du concept correspond l'économie de la réalisation. Une pincée d'analyse rétrograde saupoudre ce plat très spécial qui mérite pleinement un prix spécial.
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"Encore lui !", allez-vous soupirer, "toujours primé, avec un inverse long et des batteries et des pièces blanches qui pendulent et un pauvre Roi noir malmené par une suite d'échecs. Pfff…" En effet, cet auteur a son style propre, auquel il reste fidèle. Dans la position initiale, l'essai 1.Ff3+? échoue car la deuxième rangée n'est pas encore ouverte pour la Tour noire a2. Tout le jeu de batteries et de subtiles manœuvres pendulaires qui suit a pour seul but d'éliminer le Pion c2 puis de revenir à la position initiale sans ce pion gênant. Mais il y a une finesse. En effet, si les Blancs jouent mécaniquement 12.Nf3+? pour retourner en arrière en rejouant leurs coups en ordre inverse, le film ne se rembobine plus comme il faut car les Noirs répondent 12…Re6! au lieu de 12…Rf5. Les Blancs doivent donc jouer 12.Nf8+! Personnellement, je préfère quand le retour est différent de l'aller.
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La dernière œuvre de ce jugement présentant une correspondance diagonale-orthogonale offre, en miniature, un Zilahi réciproque (!) entre le Pao et le Vao semi-neutres, et de classiques anti-batteries sentinelles. L'écho est encore une fois parfait et tous les Pions sentinelles participent au mat, soit en gardant une case, soit en bloquant une case (f4,e4) qui pourrait servir de fuite au Roi noir par interposition d'un pion-sentinelle. Le jeu et le mat sont spécifiques et les pièces semi-neutres ajoutent un parfum d'exotisme, d'autant plus qu'elles se capturent réciproquement.
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Soyons sincères : la position, avec ses 17 pièces blanches (sans Roi blanc!) et sa colonne a embouteillée, effraierait les cœurs les plus endurcis. Un peu de courage, voyons plutôt ce qui se passe après l'anodine clé 1.Vg-c2! , le jeu en vaut la chandelle.
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Merci à Éric pour son jugement qui deviendra définitif le 01-09-2004.
Réclamations à Christian Poisson.